avatar Laurent CortvrindtLaurent Cortvrindt    17 Fév 2023, 10:15    0   

Regardez-la, si paisible et si bien élevée, au bord de l’eau. Comme la plus gentille petite fille de sa classe. Mais ne vous méprenez pas. En vérité, ce serait plutôt le contraire. La Super Duke R EVO est une brute agressive. Une de celles qui vous giflent si vous la regardez de travers. Une furie en liberté, pas une mésange à caresser. Nous avons donc enfilé nos gants de moto les plus robustes pour tenter de dompter la bête. Une tâche peu évidente…

La KTM 1290 Super Duke est surnommée « The Beast » (la bête) depuis son premier jour. Un surnom en rien usurpé. En effet, le gros bicylindre en V de 1.301 cc et le châssis sportif forment une association qui ne conviendra pas à tous les motards. Autant vous prévenir de suite. Une solide expérience est, en effet, requise. Mais en plus, vous devrez aussi vous accommoder du caractère brutal de cette moto. Avec la R Evo, KTM essaie de rendre la Super Duke aussi accessible que possible, à l’aide d’un maximum d’électronique et de toutes sortes de réglages. Et si l’EVO est le dernière née de la gamme, il ne s’agit pas à proprement parler d’une évolution de la Super Duke R. Mais plutôt d’une R dotée de suspensions électroniques et de quelques artifices.

Vers l’Eifel

Ces nouveautés devraient donc rendre la KTM encore plus accessible et, surtout, plus apte à être utilisée sur tous types de surfaces. Entendez par là une route publique ou une piste. En raison des températures plutôt froides qui règnent en ce moment, nous nous tiendrons éloigné des circuits. Mais non sans chercher l’asphalte qui se rapproche le plus de celui que l’on retrouve sur un circuit. Cap dès lors sur l’Eifel allemand. Un grand classique pour les motards, et à juste titre. L’asphalte y est généralement d’excellente qualité, le dénivelé se révèle assez important, les virages présente de nombreuses difficultés et, si vous avez de la chance, le trafic ne sera pas trop dense.

Vu comme ça, l’échappement ressemble plutôt à une grosse marmite…

Tenir le coup

En empruntant l’autoroute pour rejoindre l’Allemagne au plus vite, je constate déjà que les axes rapides ne constituent pas le point fort de la Super Duke. L’absence de protection digne de ce nom contre le vent et la position de conduite droite et confortable génèrent une forte pression sur la poitrine et sur le casque. Toutefois, rien d’illogique sur un roadster. Si vous préférez être un peu plus protégé et que vous aimez le style Super Duke, pensez à jeter un coup d’œil à la version GT. De notre côté, nous nous accrochons – presque littéralement – au guidon jusqu’à la sortie de l’autoroute. Après quelques routes de liaison plutôt ennuyeuses, nous arrivons enfin sur les sections sinueuses. La journée peut enfin (vraiment) commencer.

Un écran TFT clair et facile à utiliser.

De Comfort…

Jusqu’ici, nous avons roulé avec le réglage « Comfort ». Soit le niveau le plus doux. Et nous l’avons conservé pendant un certain temps. La suspension s’est révélée assez confortable. Mais ne vous attendez toutefois pas à une douceur digne de la Super Adventure de KTM. La nature racée de la Super Duke signifie que même avec le réglage de suspension calé sur le confort, vous pouvez attaquer les virages à un rythme soutenu. Et comme l’asphalte se révèle très lisse (et qu’il n’y a donc pas de bosses dans les virages), vous ne serez pas non plus gêné par une moto qui se met subitement à sautiller au beau milieu d’un virage. Si toutefois nous venons à passer par un virage au revêtement délicat, tout au plus remarquons-nous une légère tendance de la KTM à se dandiner. Rien de dérangeant, et un effet qui peut de toute façon être éliminé en réglant la suspension un peu plus fermement.

… à Street, Sport et Track

C’est ce que nous avons fait en choisissant le mode « Street ». Et ce à quoi vous pouviez vous attendre après avoir lu le paragraphe précédent s’est produit. La suspension devient plus dure, mieux adaptée à une utilisation sportive sur route, et les virages s’enfilent avec davantage de facilité. Peut-on tourner le curseur encore un peu plus ? Oui, bien sûr. En optant pour le réglage « Sport ». La suspension devient dure comme de la pierre, mais elle s’affaisse quand même au freinage et se détend suffisamment pour permettre de « jouer » avec la roue avant qui se décolle gentiment du sol. Avec le mode « Track » enclenché, on pousse les choses à l’extrême. Nous trouvons que – sur des routes comme celles-ci – c’est le meilleur réglage si vous voulez attaquer très fort dans un virage. Vous ressentirez presque toutes les irrégularités de la route. Le feedback est véritablement énorme. On a l’impression d’être assis sur une machine de course. Vraiment sublime, mais… malheureusement vite fatigant sur des routes en mauvais état.

La jante est bien mise en évidence.

Réglage Auto

Nous voilà donc confrontés à un petit souci. Parce que l’on ne rencontre pas la même qualité d’asphalte partout, sauf sur un circuit. Et ne parlons même pas des pavés que l’on peut rencontrer en traversant un village. Heureusement, les génies de WP Suspension ont pensé à cela aussi. Ils ont non seulement développé un réglage « Advanced » où vous pouvez régler séparément tous les paramètres (amortissement, précharge, anti-plongée) de la suspension avant et arrière, mais aussi un réglage « Auto ». Avec ce dernier, la suspension s’ajuste automatiquement en fonction de la surface, de l’accélération et du freinage. Si l’électronique embarquée détecte que vous accélérez sauvagement et que vous freinez de manière agressive, la suspension sera réglée de façon un peu plus ferme que si vous conduisez tranquillement à bas régime et à faible vitesse. Un système génial qui fonctionne par ailleurs brillamment.

Superduke, SuperdukeR.

Efficace

L’électronique exécute donc effectivement ce pour quoi elle a été programmée. Mais cela ne vous empêche toutefois pas de vous demander constamment si la suspension ne pourrait pas être un peu plus souple ici, ou un peu plus dure dans le prochain virage ? En fait, vous ne savez pas comment les réglages sont choisis par l’ECU. De plus, la Super Duke R EVO réagit différemment sur chaque type de route que ce à quoi on pourrait s’attendre avec le réglage d’un ressort fixe bien plus prévisible. Vous serez donc toujours surpris. Mais le moins que l’on puisse dire, c’est que le système fonctionne bel et bien. Pour conclure sur les suspensions semi-électroniques WP Apex, soulignons la facilité d’utilisation du système. Les commandes sont simples et claires, et vous pouvez également utiliser les touches de raccourci sur le guidon pour passer de Street à Sport, par exemple. Seul petit inconvénient : on appuie parfois par inadvertance sur ces boutons en roulant.

Des commodos intuitifs mais que l’on touche parfois involontairement.

Loupé

Mais cette EVO possède encore un autre atout dans sa manche. L’angle d’ouverture de la poignée d’accélération a été réduit de 7 degrés pour offrir une réponse plus rapide et pour pouvoir ouvrir à fond plus rapidement. Et… ils auraient mieux fait de s’abstenir chez KTM. Sur la Super Duke R, on apprécie le niveau de contrôle sur le bicylindre en V. Donnez un bon coup d’accélérateur et il vous enverra une énorme patate. Mais faites-le ronronner et la KTM répondra de la même manière. Ce n’est pas le cas avec cette EVO. On reste en permanence dans l’agressivité. Dans le trop plein d’agressivité. Au moindre coup de gaz, la réaction est immédiate. Même avec le réglage le plus souple. C’est regrettable car cette configuration rend la Super Duke R EVO moins accessible.

Leave the throttle alone!

Habituellement, on s’habitue à telle réponse de l’accélérateur après quelques jours de conduite. Ce ne fut pas le cas au guidon de l’EVO. Si vous conduisez sur piste, la gêne diminuera fortement. Mais si vous devez traverser la ville pour vous rendre au travail, l’exercice se révèle terriblement fatigant. The beast s’agite en permanence, comme si elle essayait de se défaire de ses chaînes. Rien à voir avec la Super Duke R normale. Avec elle, pas de souci pour rouler en douceur à basse vitesse. Une modification que nous ne pouvons donc que regretter…

Le calme avant la tempête.

S’attaquer à l’essentiel

Notre réglage de conduite préféré fut donc une suspension durcie au maximum et une réponse de l’accélérateur la plus douce possible. Peu habituel, n’est-ce pas ? Tout l’inverse de la tendance de cette KTM à lever la roue avant. La vitesse engagée n’a que peu d’importance. Accélérez… et vous regardez déjà les nuages. Quelle puissance sensationnelle et quelle agressivité dans ce moteur ! Ajoutez à cela des freins fantastiques et vous pouvez imaginer que conduire une Super Duke R EVO a tout de l’expérience plutôt intense. Clairement, il ne s’agit en rien d’une machine conçue pour la balade tranquille du dimanche matin sous un soleil radieux avec les oiseaux qui chantent joyeusement. Non, la R EVO vous fera transpirer, haleter, souffler et exigera de vous un effort intense pour rester en selle. C’est aussi une machine qui a besoin de tours pour s’exprimer. Pas tant pour obtenir de la puissance, car il y en a plus qu’assez dès les bas régimes. Mais plutôt pour gagner en souplesse. En effet, à haut régime, la R EVO se comporte mieux. On sent que cette bécane veut être cravachée.

Merci au contrôle de traction

Cela se remarque également avec le quickshifter. Le passage des vitesses se révèle assez brutal. Toutefois, on sait qu’en la matière, un bicylindre ne se montrera pas aussi doux qu’un 4-en-ligne. On peut donc se réjouir de la présence d’un tel arsenal électronique sur la Super Duke R EVO. Ces aides à a conduite fonctionnent de manière sublime, ce que l’on remarque particulièrement lors des accélérations en sortie de virage. À cause de la réponse brutale de l’accélérateur, il convient souvent de trouver le(s) bon(s) moment(s) pour lâcher la bride. Non sans compter sur l’antipatinage qui, lui aussi, fonctionne à merveille.

La pièce qui souffre le plus sur cette 1290 : la chaîne.

Se mettre minable…

En nous arrêtant au bord d’un lac, nous remarquons à quel point la Super Duke propose un design marquant. Avec des lignes agressives, une belle finition et une absence totale de formes arrondies. La couleur bleu mat se marie particulièrement bien avec ses accents, ses roues et son cadre orange. La moto a l’air agressive, à l’image de son caractère et de la conduite qu’elle induit. Car ce petit break bucolique que nous nous accordons dans cet endroit idyllique n’a rien à voir avec la faim, la soif ou la fatigue. Non, nous avions simplement besoin d’une pause sous peine de tomber dans les pommes.

Un style extrême, du nez à la boucle arrière.

…pour la photo parfaite

Pourquoi ? Parce que nous venons de terminer le shooting dans les virages. Un exercice photographié qui exige de prendre un certain angle autant de fois que nécessaire afin d’obtenir la photo souhaitée par notre artificier de service. Ce qui nécessite, parfois, de s’y reprendre à dix ou vingt fois, car on se retrouve rapidement avec une image floue ou une voiture indésirable sur la photo. Comme notre « spot » se trouvait dans un enchevêtrement de virages et que l’on ne pouvait pas faire demi-tour partout, nous avons dû opérer de nombreux tours et détours. En définitive, nous avons roulé jusqu’à la nausée sur cette Super Duke particulièrement exigeante. Accélérations infernales, freinages démoniaques, quantité de G à digérer… la EVO R vous obligera à vous remuer les tripes. Heureusement, une bonne wienerschnitzel frite dans la graisse, des frites à l’allemande et une généreuse portion de mayonnaise apporteront suffisamment de calories pour envisager sereinement la route du retour…

Conclusion

Alors, cette EVO est-elle un bon complément à la gamme, ou vaut-il mieux opter pour la Super Duke R standard ? Les qualités de cette dernière sont incontestables, nous le savions déjà. Au niveau des suspensions aussi, la Duke standard est une bonne moto. Mais les WP semi-électroniques se montrent clairement un cran au-dessus grâce à leurs nombreux réglages. Souples quand vous voulez rouler tout en confort ou durs comme le roc pour signer le meilleur temps lors d’une séance chrono. Et si vous n’avez guère envie de commencer à jouer avec toutes ces options, vous pouvez choisir le mode « Auto » et laisser la KTM opter d’elle-même pour le meilleur réglage.

Deux points désagréables sont toutefois à relever sur l’EVO par rapport à la Super Duke standard. À commencer par la réponse de la poignée d’accélération. Tout simplement trop agressive. Un désagrément dont on se passerait volontiers et que l’on ne rencontre pas sur la version standard. Et encore moins négligeable : la différence de prix. L’EVO se révèle quasiment 2.000 euros plus chère. C’est une somme conséquente quand on sait que la Super Duke R standard coûte déjà 20.949 euros. En ce qui nous concerne, ce budget supplémentaire, on aurait plutôt tendance à le mettre dans notre poche. Ou, peut-être encore mieux, à le dépenser en achetant de beaux accessoires pour la Super Duke standard.

Texte : Gijs Gillis

Photos : Bert Claes

Les +

– Débordante de caractère

– Machine précise

– Suspensions électronique

Les –

– Poignée des gaz sensible

– Supplément tarifaire

– Machine fatigante

Fiche technique

MOTEUR

Type – V2 DOHC, refroidissement liquide, 4 soupapes par cylindre

Cylindrée – 1.301 cc

Alésage x course – 108 mm x 71 mm

Carburation – Injection électronique

Boîte – Six vitesses

Embrayage – Multidisque à glissement limité, antidribbling

Transmission finale – Par chaîne

PRESTATIONS

Puissance maximale – 180 ch à 9.500 tr/min

Couple maximal – 140 Nm à 8.000 tr/min

ÉLECTRONIQUE

Moteur – modes de conduite, régulateur de vitesse

Partie-cycle – quickshifter, contrôle de traction & de wheelings

PARTIE-CYCLE    

Châssis – tubulaire en chrome-molybdène

Fourche – 48 mm UPSD, réglage électronique

Suspension – Monoamortisseur, réglage électronique

Débattement av/ar –  125mm/140mm

Frein avant – Deux disques de 320 mm, étriers radiaux à 4 pistons

Frein arrière – Simple disque de 240 mm, étrier à 2 pistons

Pneus av/ar : 120/70 R17, 200/55 R17

DIMENSIONS

Empattement – 1.496 mm

Angle de chasse – 25,2°

Chasse – NC

Hauteur de selle – 835 mm

Poids en ordre de marche – 211 kg

Capacité du réservoir – 16 litres

PRIX 

22.899 €