Triple champion de Belgique d’enduro, Jérôme Martiny a marqué les esprits lors de son premier Dakar, en 2022, en terminant 31e. Cette année, ce bastognard de 35 ans, pompier professionnel quand il ne roule pas à moto, a remis le couvert avec une remarquable 32e place.
PROPOS RECUEILLIS PAR LAURENT CORTVRINDT
Jérôme Martiny : Pour parler franchement, je commence à accuser un peu le coup. Le Dakar s’est achevé le samedi 14 janvier. Je suis rentré immédiatement et malgré quelques péripéties avec le vol du retour et mes bagages, je reprenais déjà le travail le mardi de la semaine suivante. L’adrénaline étant encore présente, ce ne fut pas trop compliqué à gérer. J’ai sauté dans l’ambulance et j’ai fait mon travail. Mais aujourd’hui (NDLR: le jeudi 19), après avoir profité de quelques instants en famille, les effets de la fatigue se font sentir…
Oui, c’est vraiment ça. L’organisation est revenue au « vrai » Dakar, soit la course la plus dure au monde. L’année passée, physiquement, c’était assez facile. Lors de cette édition, ce ne fut plus du tout le cas. Et les machines ont également bien souffert. Ce fut dur, usant, également pour le mental. Un « vrai » Dakar. Comme l’avait d’ailleurs annoncé le directeur de course, lors de la présentation des spéciales. 918 km rien que pour l’étape n°6, 861 km le lendemain et 822 le jour suivant ; 4 jours de sable et de dunes non-stop après la journée de repos… c’était du costaud ! Pour moi, la spéciale 10 fut la plus compliquée : des petites dunes, serrées, molles, et à perte de vue. Toute la journée. Un véritable enfer…
Oui, parce que le tracé s’est révélé beaucoup moins monotone qu’en 2022 avec ses nombreuses sections de pierres. Cette fois, nous avons roulé davantage dans le sable et au milieu de paysages variés. Toutefois, on ne peut pas dire que je prends du plaisir en roulant. D’une part, il s’agit d’une compétition et, d’autre part, on traverse deux semaines particulièrement éprouvantes. On souffre en permanence, on lutte tout le temps. Le Dakar, c’est peut-être joli à regarder à la télévision. Mais pour nous, le plaisir, c’est d’arriver au bout et de partager cette joie avec les autres participants.
Assurément la longueur des spéciales, parfois interminables. Et l’invité surprise de cette année, la pluie, qui nous a véritablement « tués » physiquement. 900 km à moto, c’est déjà quelques chose. Mais si vous ajoutez un orage carabiné sur les 80 derniers kilomètres qui vous fait arriver de nuit et trempé comme un canard, cela exerce forcément un impact sur les organismes. Certains ont achevé l’étape en hypothermie. Mais ces aventures forgent le Dakar et sa légende.
Je m’entraine beaucoup au niveau de l’endurance physique, notamment avec du renforcement musculaire. Pour la conduite de la moto, en Belgique, c’est impossible. Par exemple, on ne sait pas s’entrainer à la navigation. J’ai donc pris l’option de participer à un petit rallye en Tunisie où le fait de « rouler devant » m’a permis de m’exercer à la navigation. J’y ai notamment gagné une spéciale, ce qui m’a obligé à ouvrir la trace. J’ai beaucoup appris de cet exercice en lecture de road-book.
J’ai également participé au Rallye du Maroc qui constitue un excellent entrainement avant le Dakar. Si je repars en 2024, je ne ferai peut-être plus de course pour privilégier des entrainements dans le désert afin d’améliorer ma lecture des dunes et les petits « trucs » qui font la différence, au-delà de la vitesse pure, qui est de toute façon limitée à 160 km/h. Pour moi, c’est plus important que participer à un rallye.
Oui, on y apprend les ficelles du métier. À force de côtoyer les stars du rallye-raid et d’autres pilotes expérimentés, on note aussi beaucoup de bonnes pratiques. Il y a toujours quelques chose à apprendre dans notre sport.
Une poignée de secondes entre le premier et le deuxième, c’est incroyable après tant de kilomètres. Un top 10 hyper serré. Neuf vainqueurs différents en treize spéciales ! On s’en rend moins compte en tant quand on vit la course de l’intérieur mais ce fut, effectivement, un très grand cru au niveau des motos.
Oui. J’ai roulé sans prendre de risque au prologue mais avec le rythme nécessaire pour accrocher le bon wagon. J’ai ensuite fait preuve de prudence lors des premières étapes afin d’éviter de tomber dans les pierres. Je me suis ensuite montré très régulier, sans prendre trop de risques et en ménageant un peu la moto. Ce qui m’a permis de grappiller des places de façon constante et de décrocher un beau résultat.
Oui et non. Comme tout pilote, évidemment, on rêve de devenir champion du monde de sa discipline de prédilection. Mais je ne voudrais pas vivre leur vie. Ces pilotes n’ont généralement pas de vie familiale ni d’enfants. Ils sont tout le temps partis aux quatre coins du monde. C’est une vie particulière, à mille lieux de celle que vous et moi vivons. Et puis, ils prennent des risques hallucinants en course. Ils roulent tout le temps aux limites… quand ils ne les dépassent pas allègrement.
Pour suivre Jérôme : facebook.com/jerome.martiny.7