Si Moto Guzzi conserve son légendaire V-twin transversal à 90° depuis l’apparition de la V7 en 1967, il a franchi un cap important l’année dernière en présentant la V100 Mandello. En effet, pour la première fois de son histoire, le constructeur italien a décidé de passer au refroidissement liquide avec son nouveau moteur « bloc compact ».
Ce qui est en soit une petite révolution du côté de Mandello. Mais ce serait résumer assez vite la nouvelle Moto Guzzi qui recèle beaucoup plus d’évolutions qu’un simple changement de refroidissement. Car le nouveau V-twin comme le reste de la moto d’ailleurs, sont en une seule fois, passés du 20ème au 21ème siècle. C’est une étape importante pour le constructeur qui a fêté son centenaire en 2021 et qui, rappelons-le, appartient au groupe Piaggio depuis 2004. Lorsque nous avions découvert la V100 Mandello au salon EICMA à Milan en 2021, nous avions immédiatement remarqué qu’en plus du refroidissement liquide, les culasses du V-twin avaient pivoté de 90°. Comme plus tôt sur le flat-twin munichois, l’admission et l’échappement étaient dorénavant orientés verticalement et plus horizontalement.
Après 21 mois d’attente, nous posons enfin nos fesses sur cette Guzzi à eau. Pour ceux qui ne connaissent pas encore le modèle, rappelons que la V100 Mandello est déclinée en deux versions, standard ou S. Qui se différencient par le type de réglage des suspensions, manuel ou électronique. Évidemment, les italiens ne font jamais les choses simplement et cette année, une version spéciale apparait déjà dans le catalogue. Baptisée Aviazione Navale, cette édition limitée et numérotée à 1913 exemplaires, fait référence à la marine italienne et son aviation créés en 1913. Arborant une livrée spécifique, inspirée des avions de chasse F-35B fournis à la Marina, cette série spéciale est basée sur la version standard. Ses équipements supplémentaires comprennent un capteur de pression des pneus TPMS et des poignées chauffantes. Le numéro de série est gravé au laser sur le support du guidon et chaque moto est livrée avec une housse dédiée et une plaque commémorative.
Tout cela pour un supplément de 1.500 € par rapport à la version de base affichée à 15.499 €. Certains se demanderont pourquoi Moto Guzzi s’associe à ce corps de l’armée italienne ? Et nous leur pardonnerons car ils ne savent pas que l’aigle aux ailes déployées qui a été choisi comme emblème de la marque par les fondateurs Carlo Guzzi et Giorgio Parodi, fait référence à leur passé militaire et à un ami. Ils ont en effet passé la Première Guerre mondiale ensemble dans le service aérien de la marine italienne et c’est durant cette période, qu’ils rêvaient de créer une nouvelle marque de moto. Leur copain, Giovanni Ravelli ne verra jamais la naissance de la marque en 1921 car il décède accidentellement en 1919.
Mais au fait, pourquoi je vous raconte tout cela ? Simplement parce que je reste un passionné de la marque – j’ai possédé à une certaine époque une Le Mans 850 de première génération – et qu’un peu d’histoire ne fait jamais de tort. Cela permet aussi de comprendre la philosophie qui imprègne aujourd’hui Moto Guzzi. Et puis, pour cet essai nous disposons justement d’une V100 Aviazione Navale. De prime abord, cette version est séduisante dans sa robe grise mat. Par contre certains stickers comme ceux placés sur le garde-boue avant font un peu cheap, dommage.
L’éclairage diurne reprend la forme de l’aigle et le feu avant à LEDs est adaptatif en virage.
Pour le reste, la moto est bien finie. Rien ne dépasse ou semble placé à la va-vite. Esthétiquement, Moto Guzzi a puisé dans son passé – avec justement les Le Mans – pour dessiner cette V100 Mandello. Et c’est réussi, l’éclairage diurne reprend la forme de l’aigle et le feu avant à LEDs est adaptatif. En virage, une paire de LEDs supplémentaires intervient pour éclairer l’intérieur de celui-ci. A l’arrière, on retrouve le même feu que celui de la V85TT qui suggère deux tuyères de réacteur (encore une référence à l’aviation).
Le V-twin semble minuscule au regard de la production habituelle de la firme italienne. Il est 103 mm plus court que le bloc de la V85 TT. Un nouveau système de lubrification par carter humide avec une chambre de vilebrequin séparée du carter d’huile permet de réduire la profondeur de celui-ci. L’alternateur migre d’une position frontale vers l’intérieur du V, entre les cylindres. Comme décrit plus haut, les culasses sont tournées à 90°. C’est tout bénéfice pour les conduits d’admission et d’échappement plus rectiligne. De plus cette architecture permet de laisser plus de place aux jambes du conducteur. Enfin, avec l’adoption d’un double arbre à cames en tête avec linguets, MG a opté pour des levées de soupapes « agressives ».
Dans cette configuration, le V-twin de 1042 cm3 (96 x 72 mm) développe une puissance de 115 ch à 8700 tr/min pour un couple de 105 Nm à 6750 tr/min. Guzzi précise que 82% du couple est disponible dès 3500 tr/min. Concernant l’embrayage, celui-ci est maintenant multidisque en bain d’huile et non plus monodisque. La boîte de vitesse est bien entendu à 6 rapports. Dès la mise en route du V-twin, on est agréablement surpris par la sonorité de l’échappement. C’est juste comme il le faut. Quelques « coups de gaz » permettent de se rendre compte de la faible inertie du moteur, du moins pour un gros bicylindre. Le couple de renversement si caractéristique sur les Guzzi est ici pratiquement gommé. La faute – ou grâce suivant l’effet désiré – à un vilebrequin contrarotatif.
La position de conduite est excellente et je fais corps immédiatement avec la machine. Les leviers d’embrayage et de frein avant sont réglables en écartement. Et après l’ajustement des rétroviseurs, il suffit d’enclencher le premier rapport de boîte accompagné d’un petit clonk pour décoller les 230 kilos de la V100. Et là, on est immédiatement surpris par la poussée du moteur. On ne peut pas nier que cette Guzzi tracte bien. Le passage des rapports demande un peu d’attention. La moto affiche à peine 3000 kilomètres et la boîte de vitesse n’est, à mon avis, pas encore tout à fait rodée. Quoi qu’il en soit, les commandes sont douces et le moteur est d’une souplesse extraordinaire. En 6ème, vous pouvez descendre sous les 2000 tr/min et sans rétrograder, accélérer sans que le moteur hoquète.
Le tableau de bord se compose d’un écran TFT de 5 pouces qui ressemble étrangement à celui équipant l’Aprilia Tuareg 660. N’oublions pas que les deux marques italiennes font partie du même groupe. Cet écran est assez complet et lisible, via son menu et le joystick du commodo gauche, on peut actionner la bulle électrique sur 90 mm d’amplitude. Autant dire que durant la totalité de l’essai, la bulle restera en position haute afin d’offrir le moins de pression possible face au vent. En parlant de pression du vent, Moto Guzzi inaugure une nouvelle technologie appelée aérodynamique adaptative. Et celle-ci a déjà fait couler beaucoup d’encre depuis l’apparition de la V100 Mandello.
Deux déflecteurs sont placés au niveau du réservoir, et ils s’ouvrent en fonction de la vitesse et du type de mode de conduite sélectionné, nous allons y revenir. D’après le constructeur, cet accessoire couplé à la bulle réduit la pression de l’air sur le pilote de 22%. Certains qualifieront cet équipement de gadget, pour ma part, je suis plus nuancé. Car on ne peut pas nier que les déflecteurs agissent effectivement sur la pression de l’air. Et tout est question ici de morphologie. Que vous soyez de petite, de moyenne ou de grande taille, vous sentirez plus ou moins les effets de ces déflecteurs. J’ai fait plusieurs tests sous la pluie et sur le sec, et j’ai constaté une légère différence avec ou sans l’ouverture de ces deux ailerons. Donc oui, cet équipement apporte un petit quelque chose de plus.
Mais vous ne choisirez certainement pas la nouvelle Guzzi uniquement pour cet équipement. Disons ici qu’il apporte un léger plus et surtout qu’il permet à la Mandello de se démarquer de la concurrence. Néanmoins, la V100 possède d’autres arguments avec notamment pas mal d’électronique embarquée. Une commande des gaz Ride-by-Wire et une centrale inertielle – à trois axes et six directions – permettent à la Guzzi de disposer de quatre modes de conduite intégrant 3 cartographies moteur, 4 niveaux de contrôle de la traction et 2 niveaux de frein moteur qui fonctionnent bien entendu en virage comme l’ABS. Cerise sur le gâteau, ces différents paramètres sont personnalisables au même titre que l’ouverture des déflecteurs.
Les 4 modes de conduite : Tour, Rain, Road et Sport adoptent chacun une combinaison différente des réglages cités plus haut. Si pour les modes Sport et Rain, cela paraît évident, c’est moins le cas pour les modes Tour et Road. Les différences sont minimes et jouent essentiellement sur le frein moteur, l’antipatinage et l’ouverture des déflecteurs qui rappelons-le, sont tous personnalisables. Trois modes auraient largement suffi. Concernant l’ouverture des ailerons, il est possible pour chaque mode de conduite de les ouvrir – ou pas – dans une fourchette comprise entre 30 et 95 km/h. Par contre, ils se refermeront toujours lorsque la vitesse descend en dessous de 20 km/h.
Si la V100 Mandello est cataloguée comme sport GT par le constructeur, il faut bien admettre que les Italiens ont surtout misé sur l’aspect sport. Le freinage Brembo composé à l’avant d’étriers radiaux, de disques flottants de 320 mm et d’une commande radiale au guidon est assez violent et demandera à être utilisé avec prudence. La moto est de plus équipée d’un énorme pneu arrière de 190. Concernant les suspensions confiées à Kayaba – étrange pour une moto italienne – si la fourche réglable de 41 mm fait un travail honnête, il n’en va pas de même pour l’amortisseur arrière. Bien que réglable facilement par une molette en précharge et en détente, il reste dur comme du caillou. Sur un revêtement « comme un billard » cela ne pose aucun problème et la moto tient excessivement bien la route. Par contre, et c’est souvent le cas chez nous, sur revêtement « compliqué », c’est une véritable catastrophe. De quoi vous gâcher votre sortie !
Reconnaissons par contre que la moto possède une direction précise et assez dynamique. Durant cet essai, la réserve de carburant s’est activée après 270 kilomètres et le tableau de bord a relevé une consommation moyenne de 5,5 litres aux cent kilomètres. Il faut reconnaître que nous n’avons pas été tendres avec la poignée d’accélérateur, en profitant du caractère viril de ce nouveau V-twin. Pour finir, parlons des choses qui fâchent, la V100 ne possède pas de warning, une prise USB est disponible d’origine uniquement sous la selle alors que notre moto d’essai était équipée d’une prise à côté du tableau de bord (en option pour quelques dizaines d’euros). A l’arrêt, les mollets entre facilement en contact avec les repose-pieds. Les poignées de maintien du passager sont trop saillantes même si elles sont jolies.
Comme annoncé en ouverture, Moto Guzzi a changé de siècle en commercialisant la V100 Mandello. Avec son nouveau moteur » bloc compact » et toute l’électronique embarquée, le constructeur italien tient là une excellente plateforme sur laquelle il pourra décliner d’autres versions. Nous attendons d’ailleurs avec impatience le salon de Milan pour découvrir la V100 Stelvio. Concernant la V100 Mandello, nous sommes un peu déçus concernant l’aspect GT de cette moto. Même si la protection n’a pas été oubliée avec la bulle électrique et l’aérodynamique adaptative, il faut bien reconnaître que le confort n’est pas au rendez-vous, la faute à un amortisseur arrière en béton. La version S avec ses suspensions pilotées semi-actives Öhlins Smart EC 2.0 fera peut-être mieux. A découvrir lors d’un prochain test.
Les + : moteur enthousiaste, finition, originalité, tenue de route sur bon revêtement.
Les – : amortissement arrière, absence de warning.
MOTEUR
Type: Bicylindre en V à 90°, transversal, 4 temps, refroidissement liquide, distribution par double arbre à cames en tête, quatre soupapes par cylindre.
Cylindrée: 1 042cc
Alésage x course: 96 x 72 mm
Taux de compression: nc
Embrayage : multidisque en bain d’huile avec système anti-bruit
Boite de vitesse : à 6 rapports
Transmission finale : arbre et cardan
PRESTATIONS
Puissance maximum : 115 cv (84.6 kW) à 8 700 tours/minute
Couple maximum : 105 Nm à 6 750 tours/minute
ELECTRONIQUE
Moteur : quatre modes de conduite (Travel, Sport, Road, Rain )
Partie-cycle : contrôle de la traction, ABS Continental en virage
PARTIE-CYCLE
Cadre: tubulaire en acier
Suspension avant: Fourche inversée KYB de 41mm
Réglage: précontrainte du ressort et détente
Suspension arrière: Monobras oscillant en aluminium avec arbre intégré, mono-amortisseur gauche KYB
Réglage: précontrainte du ressort via une molette et en détente
Débattement av/ar: 130/130 mm
Frein avant: Deux disques flottants de 320 mm, étriers radiaux Brembo à 4 pistons opposés, ABS Continental en virage
Frein arrière: Disque en acier de 280 mm, étrier flottant Brembo à deux pistons, ABS Continental en virage
Pneumatiques av/ar: 120/70 ZR17, 190/55 ZR17
DIMENSIONS
Poids TPF : 233 kg
Angle de chasse : 24°7’
Chasse : 104 mm
Réservoir de carburant : 17 litres
Empattement : 1.475 mm
Hauteur de selle : 815 mm
PRIX
À partir de 16.999 € (modèle standard 15.499 €)
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