avatar Pascal MoutonPascal Mouton    28 Oct 2023, 10:00    0   

Avec la Moto Guzzi V100 Mandello, le maigre segment de la moto sport GT s’enrichit enfin d’un nouveau modèle. Avec toutes sortes de nouveautés et de gadgets, l’italienne tente d’insuffler un vent de fraîcheur. Mais ce n’est pas du goût de la BMW R 1250 RS, renouvelée cette année. Avec sa solidité allemande, elle se veut un peu plus sérieuse que la ludique Moto Guzzi. Mais l’est-elle vraiment ? Ou sommes-nous en train de trébucher sur nos préjugés ? Un essai comparatif s’imposait entre ces deux représentantes européennes utilisant des cylindres qui aiment se montrer…

Texte: Gijs Gillis

Une agréable surprise

La Moto Guzzi V100 Mandello est une nouveauté bienvenue dans le monde du sport touring. Car celui-ci n’est plus plébiscité depuis pas mal d’années avec l’arrivée et le succès des gros trail. Pourtant, de nombreux motards apprécient encore les motos à la direction vive équipées de roues de 17 pouces, avec un certains confort et un potentiel sportif. Lorsque nous avons découvert la V100, en novembre 2021, nous étions agréablement surpris que Moto Guzzi ose faire le grand saut dans la gamme sport touring. Avec un moteur refroidi par eau (une première pour la marque), une électronique moderne, un pare-brise et des ailerons réglables électriquement, les Italiens étaient prêts à donner du fil à retordre à la concurrence. Il le fallait, car cette concurrence, bien que très mince, n’en est pas plus tendre pour autant.

Édition limitée

La plus grande rivale de la V100, du moins en termes de concept, est sans aucun doute la BMW R 1250 RS. Elle est européenne, avec une transmission par arbre et des cylindres qui s’exposent. De plus, elle a été renouvelée cette année. Pour ce comparatif, nous disposons d’un exemplaire superbe dans sa livrée Sport. En ce qui concerne la Moto Guzzi, nous avons droit à une série spéciale baptisée Aviazione Navale. Limitée à 1913 exemplaires, elle célèbre le 110ème anniversaire de l’Aviazione Navale fondée en 1913, dont les fondateurs Carlo Guzzi, Giorgio Parodi et Giovanni Ravelli faisaient partie. Son aspect gris mat associé à des jantes et des caches-soupapes dorés est tout à fait réussi. Malgré les autocollants qui font un peu cheap, elle a quelque chose de spécial. La ligne de la moto, les nombreux détails réussis comme le feu arrière au design original, la finition,… Tout est là.

Encore mieux

De son côté, la BMW est tout aussi bien finie et regorge de détails intéressants. Cependant, ces détails ne servent pas à rendre la moto plus belle, mais plutôt plus fonctionnelle. La R 1250 RS emprunte non seulement le moteur boxer de la GS, mais aussi l’ingéniosité nécessaire pour rendre chaque chose un peu plus belle ou plus confortable. Il est souvent difficile de cacher toute la technique sur une moto, mais sur la RS, les concepteurs ont réussi à le faire. En outre, la version 2023 de la R 1250 RS reçoit désormais de série le contrôle dynamique de la traction, un mode de conduite ECO, l’ABS en virage, des clignotants dynamiques à LED, des feux de jour, une connexion USB et l’appel d’urgence intelligent.

Akra disproportionné

La nouvelle livrée Sport convient bien à l’allemande. Par contre, l’énorme échappement Akrapovic l’est moins. Celui-ci semble disproportionnée, ce qui n’arrange pas l’allure générale de la machine. En effet, la RS n’a déjà pas l’air d’être la moto la plus légère et la plus maniable à l’arrêt. A juste titre d’ailleurs, car la fiche technique indique qu’elle pèse 243 kg en état de marche et que son empattement est de 1527 mm. De son côté, la V100 Mandello affiche 233 kg et 1 476 mm. Une différence significative qui se traduit dans la pratique par une plus grande facilité pour garer la Guzzi dans son garage ou sur un parking. En contre partie, ce sera moins facile pour la BM, plus longue, plus large et plus lourde.

Un caractère distinctif

Mais passons maintenant à l’aspect dynamique qui, finalement intéresse la majorité des personnes qui lisent cet article. Ces deux gros twin possèdent un caractère de conduite distinctif face à la concurrence. Avec leur architecture moteur assez proche, elles induisent quelques mouvement transversaux. Si ceux-ci sont bien connus pour l’allemande, ils le sont moins pour l’italienne et ce sera une nouvelle expérience pour la plupart des motards qui l’essayeront. Bien que ce phénomène soit grandement atténué sur ce nouveau V-twin refroidi par eau. Sur le flat-twin, on le ressent encore moins, bien que les cylindres soient opposés, ce qui en théorie devrait ce ressentir un peu plus.

Ça tombe tout seul !

Une fois sur la route, ces motos possédant des moteurs « avec des cylindres qui dépassent » montrent toute l’étendue de leurs qualités. La maniabilité à basse vitesse est excellente car le centre de gravité est plus bas. Par contre, en virage on à l’impression que la moto va tomber. Avec une direction neutre et agréable, la Moto Guzzi ne semble pratiquement pas souffrir de ce phénomène. La R 1250 RS aime s’incliner fermement et poursuivre sa route de manière ultra stable. Est-ce mieux ou moins agréable que sur la V100 ? Non, absolument pas. La sensation est juste différente et il faut un peu de temps pour s’y habituer. Comme la GS est la moto la plus vendue en Europe depuis des années, c’est peut-être devenu la norme au lieu de quelque chose de spécial…..

Davantage de kilomètres ?

Aujourd’hui, la Moto Guzzi V100 nous a surpris non seulement par son look et son concept réussis, mais aussi par ses caractéristiques de conduite générales. Le tout nouveau V-twin de 1 042 cm3 fonctionne en douceur, émet un son agréable avec son échappement de série et monte volontiers en régime. Le couple de 143 Nm à 6 250 tr/min permet de conduire la Guzzi en toute sérénité. Heureusement, car la boîte de vitesses est assez rigide et semble parfois bloquée. Nous attribuons cela au faible kilométrage de la V100. Peut-être – et espérons-le – que l’italienne a besoin de plus de kilomètres pour que sa boîte de vitesse devienne plus douce.

Option sportive

Sur la Mandello, la position de conduite est bonne – malgré mes jambes un peu trop pliées – et la selle est assez confortable pour enquiller quelques centaines de kilomètres d’affilée. C’est ce qu’on attend d’une moto de cette catégorie. Par contre, les suspensions sont plutôt dures. Trop dures. Surtout à l’arrière où l’amortisseur est pourtant réglé au plus souple. Il est évident que les Italiens on plutôt misé sur la sportivité que sur le confort pour cette nouvelle V100. Du moins dans cette version « de base » dépourvue de suspensions à réglages électronique.

Le gadget Guzzi

Pour répondre aux exigences élevées de confort du pilote d’une moto sport GT, les maîtres d’œuvre de Moto Guzzi ont dû faire quelques tours de passe-passe. Et ils y sont partiellement parvenus. Le petit pare-brise réglable est a commande électrique, ce qui est bien, mais ne fonctionne que si l’on roule à moins de 130 km/h. Au-delà, il refuse de fonctionner. En soi, ce n’est pas un désastre, car à cette vitesse sur autoroute, votre pare-brise sera normalement déjà en position haute et il ne vous viendra pas à l’idée de le descendre. De plus, il vous met bien à l’abri du vent. Votre tête est toujours soumise à la pression de l’air, mais votre corps est bien caché derrière.

Comme l’aigle du logo de la marque déploie ses ailes, la V100 Mandello déploie ses déflecteurs.

Voilà pour les bonnes nouvelles concernant la protection contre le vent, car la V100 a une autre astuce : des déflecteurs rétractables ! Comme l’aigle du logo de la marque déploie ses ailes, la V100 Mandello déploie ses déflecteurs. Ils sont cachés sur les flancs du réservoir d’essence et, selon le mode de conduite choisi, ils sortent lorsque vous dépassez les 60 km/h. En mode pluie, ils sont toujours déployés. Mais… l’effet est négligeable. Nous avons essayé de voir la différence entre le vent et la pluie, à toutes sortes de vitesses basses et élevées, mais la différence est si minime qu’il s’agit plus d’un gadget que d’une technologie fonctionnelle. C’est amusant pour en parler au coin d’un bar, mais ça s’arrête là.

Les déflecteurs rétractables sont amusants, mais n’influencent que peu la protection du pilote.

Bizarre sur le papier

La BMW R 1250 RS utilise également des déflecteurs au même endroit. Ils sont simplement beaucoup plus petites, moins voyantes et fixes. Et ils semblent bien fonctionner, car la protection contre le vent est nettement meilleur sur la BMW que sur la Moto Guzzi. Cela peut également être dû au fait que le pare-brise et le carénage sont plus grands et plus larges. Ce n’est pas tant en hauteur qu’en largeur que l’on est le plus à l’abri du vent. En outre, on est davantage assis à « l’intérieur » de la BMW que sur la Moto Guzzi, sur laquelle on est plutôt assis en hauteur. Ce qui fait que l’angle des genoux est plus prononcé. La position de conduite est donc assez étrange, avec un dos assez droit, des jambes très repliées et des bras qui doivent être tendus vers l’avant pour atteindre le guidon. Un peu bizarre sur le papier, mais pas dérangeant dans la pratique.

Tempéraments différents

Conduire la R 1250 RS n’a rien d’étrange. En fait, elle vous semble très familière. Comme si vous n’aviez jamais conduit une autre moto. Le moteur boxer répond en douceur, les freins fonctionnent instantanément et le potentiel sportif de la RS est évident. Avec ses 136 ch, elle est amusante à conduire. Et vous met facilement en confiance. En comparaison, la Moto Guzzi offre d’autres sensations. Sur celle-ci, on sent que tout vibre, fonctionne, bouge – sans que cela soit vraiment gênant, pour être clair.

Une expérience de conduite improbable

Sur la R 1250 RS, tout filtre mieux. Cela n’est pas seulement dû au fonctionnement plus doux du moteur, mais aussi à la suspension électronique en option sur notre moto d’essai. En conséquence, peu de sensations filtrent à la conduite. Les changements de direction, les accélérations et bien d’autres choses semblent se faire dans l’anonymat. Est-ce un commentaire négatif ? Certainement pas, car cela prouve l’efficacité de la RS. La BMW est plus douce, plus rapide et plus confortable que la Moto Guzzi. Elle est meilleure dans tous les domaines, mais elle donne moins d’informations au pilote. Vous avez moins de sensations avec ce que fait la machine et donc moins de satisfaction à piloter. Ce sont des choses que vous ne ressentirez pas normalement au guidon de la RS, sauf juste après avoir piloter la Moto Guzzi. L’expérience de conduite sur l’Italienne est d’un autre ordre. Vous semblez être en lien direct avec la V100, alors que sur la BMW, vous êtes plus susceptible d’être conduit.

Laquelle est la plus cher aujourd’hui ?

Si vous êtes arrivé à ce stade de la lecture, et avec tout ce que vous savez maintenant sur ces deux machine, quelle moto sera la plus chère, à votre avis ? La R 1250 RS ? Une supposition logique, mais rien n’est joué. Pour la Moto Guzzi V100 Mandello Aviazione Navale, il faut compter 16 999 €. C’est 300 € de plus qu’une R 1250 RS standard (16 640 €). Mais attention, la Moto Guzzi V100 Mandello standard coûte 15 499 €, soit 1 141 € de moins que la BMW. Vous suivez toujours ? Une dernière chose : notre V100 Mandello Aviazione Navale était totalement standard, ce qui n’était pas le cas de notre R 1250 RS. En ajoutant la peinture Sport (554,46 €), la suspension ESA (882,83 €), le régulateur de vitesse (387,59 €), le contrôle de la pression de pneu RDC (269,15 €), la béquille centrale (166,87 €) + le Keyless et le jeu passager obligatoires (446,8 €) sans oublier l’échappement Akrapovic (1006,64 €), nous arrivons à un budget dépassant les 20.000 €. Pour obtenir le même type d’équipements chez Guzzi – hormis l’Akra – vous opterez alors pour la version S facturée à 17 999 €, avec une suspension Öhlins semi-active et un quickshifter. Finalement, c’est vous qui déciderez des options et des accessoires qui vous seront absolument nécessaires. Le prix de la BMW reste donc un peu supérieur à équipements équivalents.

Conclusion

En résumé, la BMW R 1250 RS remporte ce test. Elle est plus rapide, plus puissante, plus confortable, plus raffinée, mieux équipée, dispose d’un plus grand écran TFT, d’une meilleure protection contre le vent,… En d’autres termes, c’est une fantastique moto sport GT qui parvient à se nicher intelligemment entre la R 1250 RT, encore plus confortable, et la S 1000 RR, ultra-sportive. Mais il y a une chose essentielle que la BMW a moins que la Moto Guzzi : la connexion entre le pilote et la machine. C’est une caractéristique qui procure un énorme plaisir de conduite, même si c’est un peu plus lent et moins confortable que sur la BMW. Soyons clairs : Moto Guzzi a réussi à mettre sur le marché une grande et très belle routière sport GT. Une machine qui a ce petit quelque chose en plus. Il ne s’agit pas des ailerons aérodynamiques ridicules, mais plutôt de la capacité à faire en sorte que le pilote se sente en harmonie avec sa machine.

Photos: Bert Claes

Les + et les – BMW R 1250 RS

+ Confort, moteur, freins

– Poids, sensation de manque, genoux trop pliés

Les + et les – Moto Guzzi V100 Mandello

+ Design, caractère, direction vive

– Suspension rigide, déflecteurs, prix

Données techniques BMW R 1250 RS

MOTEUR

Type: Flat-twin à refroidissement mixte

Cylindrée: 1.254cc

Alésage x course: 102,5 x 76 mm

Taux de compression: 12,5:1

Embrayage: en bain d’huile, à glissement limité

Boîte de vitesse: à 6 rapports

Transmission finale: cardan et arbre

PRESTATIONS

Puissance maximum: 136 ch (100 kW) @ 7.750 tr/min

Couple maximum: 143 Nm @ 6.250 tr/min

ELECTRONIQUE

Moteur: modes de conduite, démarrage en côte, régulateur de vitesse (opt.), quickshifter (opt.)

Partie-cycle: contrôle de la traction, ABS en virage, suspension électronique (en option)

PARTIE-CYCLE

Cadre: en acier tubulaire

Suspension avant: Fourche inversée

Possibilités de réglage : réglage électronique (opt.)

Suspension arrière: monobras oscillant en aluminium coulé 

Possibilités de réglage : réglage électronique (opt.)

Débattement av/ar: 140/140 mm

Frein avant: double disque flottant de 320 mm, étrier radial à 4°pistons

Frein arrière: monodisque de 276 mm, étrier flottant 2 piston

Pneumatiques av/ar: 120/70-R17, 180/55-R17

DIMENSIONS

Poids TPF: 243 kg

Réservoir: 18 l

Empattement: 1.527 mm

Hauteur de selle: 820 mm

Angle de chasse: 28,3°

Chasse: 114,8 mm

PRIX

À partir de 16.640 €

Données techniques Moto Guzzi V100 Mandello Aviazione Navale

MOTEUR

Type: Bicylindre en V à 90°, transversal, 4 temps, refroidissement liquide, distribution par double arbre à cames en tête, quatre soupapes par cylindre.

Cylindrée: 1 042cc

Alésage x course: 96 x 72 mm

Taux de compression: nc

Embrayage : multidisque en bain d’huile avec système anti-bruit

Boite de vitesse : à 6 rapports

Transmission finale : arbre et cardan

PRESTATIONS

Puissance maximum : 115 cv (84.6 kW) à 8 700 tours/minute

Couple maximum : 105 Nm à 6 750 tours/minute

ELECTRONIQUE

Moteur : quatre modes de conduite (Travel, Sport, Road, Rain )

Partie-cycle : contrôle de la traction, ABS Continental en virage

PARTIE-CYCLE

Cadre: tubulaire en acier

Suspension avant: Fourche inversée KYB de 41mm

Réglage: précontrainte du ressort et détente

Suspension arrière: Monobras oscillant en aluminium avec arbre intégré, mono-amortisseur gauche KYB

Réglage: précontrainte du ressort via une molette et en détente

Débattement av/ar: 130/130 mm

Frein avant: Deux disques flottants de 320 mm, étriers radiaux Brembo à 4 pistons opposés, ABS Continental en virage

Frein arrière: Disque en acier de 280 mm, étrier flottant Brembo à deux pistons, ABS Continental en virage

Pneumatiques av/ar: 120/70 ZR17, 190/55 ZR17

DIMENSIONS

Poids TPF : 233 kg

Angle de chasse : 24°7’

Chasse : 104 mm

Réservoir de carburant : 17 litres

Empattement : 1.475 mm

Hauteur de selle : 815 mm

PRIX

À partir de 16.999 €