Imaginez la situation suivante : vous avez obtenu une promotion au travail et le salaire qui va avec. De quoi vous permettre d’envisager l’achat d’une nouvelle moto. Mais pas n’importe laquelle, car vous souhaiter rouler au quotidien. Et aussi partir en vacance avec elle. Votre patron est un grand amateur de moto, et il possède une BMW GS. Mais tout le monde roule avec ce modèle ! Et vous, vous ne souhaitez pas faire comme tout le monde, et encore moins comme votre patron. Au final comme alternative, vous avez le choix entre la Ducati Multistrada V4 S, la KTM 1290 Super Adventure S et la Triumph Tiger 1200 GT Pro. Laquelle choisirez-vous ?
Texte: Gijs Gillis
Comme si la BMW R 1250 GS ne dominait déjà pas assez le marché, une nouvelle R 1300 GS va bientôt arriver. Un nouveau coup dur pour les autres constructeurs qui essaient tant bien que mal de s’approprier ne serait-ce qu’une partie du succès de la GS. C’est d’ailleurs une entreprise coûteuse, car les gros trail sont dotées des dernières technologies et doivent être performants sur l’asphalte comme sur la terre. Les concurrentes européennes de ce test ne sont pas les moindres. D’Italie vient la fantastique Ducati Multistrada V4 S, d’Autriche l’imposante KTM 1290 Super Adventure S et de Grande-Bretagne la polyvalente Triumph Tiger 1200 GT. Ceux qui s’y connaissent un peu remarqueront qu’il s’agit dans les trois cas de motos orientées vers la route. Dans ce test, nous mettrons donc l’accent sur leurs performances sur routes goudronnées. Ne l’oubliez pas….
Le trajet d’une heure et demie sous une pluie battante vers les Ardennes s’est avéré utile pour une fois. Tant sur la KTM que sur la Ducati et la Triumph, vous êtes parfaitement assis à l’abri du vent et donc de la pluie. De petites différences sont perceptibles, mais c’est une question de détails. Ce qui nous frappe, c’est que la Triumph offre plus de protection contre le vent en largeur que la Ducati. De son côté, la Multistrada vous place plus verticalement à l’abri de la pluie. La KTM oscille entre les deux. L’avant large des trois machines assure également une bonne protection des jambes. Le régulateur de vitesse est de série sur la Tiger, tout comme sur la Multistrada et la Super Adventure.
L’avant large des trois machines assure également une bonne protection des jambes.
Ces deux dernières sont équipées d’un régulateur de vitesse adaptatif avec radar, mais nous ne sommes pas les plus grands fans de ce système, bien qu’il fonctionne à merveille. Trop rapidement, le radar détecte un véhicule devant, ce qui entraîne un ralentissement de la moto et vous empêche de maintenir un style de conduite fluide. C’est très bien quand on roule seul, mais dans un groupe, cela crée rapidement de la frustration pour les suiveurs. Heureusement, sur la KTM, vous pouvez choisir entre un fonctionnement standard ou adaptatif du régulateur de vitesse. Cela permet d’obtenir le meilleur des deux mondes.
Pour le réglage du pare-brise, les trois constructeurs utilisent une technique différente. Celle de la Multistrada est la plus efficace et la plus rapide, avec un levier supplémentaire sous le pare-brise qu’il faut pousser ou tirer. Le système de la KTM est également parfait, avec une molette de chaque côté. Il prend un peu plus de temps, ce qui fait que l’on a la main sur le guidon plus longtemps. Mais il est solide et vous pouvez positionner votre pare-brise au centimètre près. Pour sa part, Triumph utilise un levier sous le pare-brise qui est fixe et où il n’y a pas de pièce mécanique supplémentaire impliquée. Il faut donc exercer une certaine force pour le régler.
Comme on peut s’y attendre, ces trois motos excellent en matière de confort. La position de conduite est agréable, les selles sont douces et ces motos sont conçues pour parcourir des milliers de kilomètres. De plus, elles sont toutes équipées de suspensions à réglage électronique et les moteurs tournent extrêmement bien. C’est le gros bicylindre en V de la KTM que l’on sent le plus travailler, même si ce n’est jamais dérangeant. Le trois cylindres de la Triumph et le V4 de la Ducati tournent aussi bien qu’une machine à coudre. Si nous devons choisir un vainqueur – en tant que moto d’autoroute – ce sera la Triumph Tiger 1200. Elle est la plus confortable en termes de suspension, de selle, de protection contre le vent et de fonctionnement du moteur. De plus, l’anglaise est la plus facile à piloter et à balancer entre les embouteillages grâce à son pneu arrière étroit de 150/70 R18. (La KTM et la Ducati utilisent un pneu plus large de 170/60-R17).
Les trois motos sont équipées d’un grand écran TFT sur lequel on peut lire toutes les informations nécessaires et jouer avec des centaines de réglages. La KTM remporte la palme de la structure de menu la plus claire. La Super Adventure utilise des images détaillées d’elle-même pour indiquer exactement ce que vous êtes sur le point de régler. C’est particulièrement intuitif et rapide. L’écran de la Multistrada est assez chargé, mais on y trouve tout d’un seul coup d’œil. Le menu de la Triumph, en revanche, est peut-être un peu plus riche en informations. L’essentiel est là, mais il faut déjà faire défiler les menus pour voir l’autonomie restante, par exemple. Le système est également le moins réactif. Cela ne veut pas dire lent. Simplement, il est moins rapide que les deux autres.
Il s’agit certes de grosses motos d’environ 240 kg, mais elles ne vous empêchent pas de rouler vite. Ce que nous n’avions pas vraiment remarqué sur le sec en début de semaine remonte à la surface sous la pluie : la différence de réponse à la poignée d’accélérateur. Le V4, y compris sa boîte de vitesses, est le plus raffiné. On pourrait s’attendre à ce que le bicylindre en V de la KTM ait la réponse à l’accélération la plus brutale, puisqu’il possède le moins de cylindres, mais rien n’est moins vrai. La Tiger 1200 est la plus fougueuse et réagit agressivement aux sollicitations de la poignée d’accélérateur, même en mode pluie. Est-ce en partie dû à la transmission par arbre ? C’est possible. On remarque également que les freins de la Tiger mordent le plus et que les suspensions s’enfoncent le plus à l’avant ou à l’arrière en phase de freinage ou d’accélération.
Avec 150 chevaux britanniques, 160 chevaux autrichiens et 170 chevaux italiens, il est inutile de faire une comparaison de la puissance. Dans tous les cas, il y en a assez pour tout le monde. La différence de poids entre les motos étant négligeable, il n’est donc pas surprenant que la Triumph qui est la moins puissante soit la plus « lente ». À bas régime, la KTM est la plus réactive, grâce à son bicylindre en V coupleux, et à haut régime, la Ducati décolle comme une fusée. La différence n’est jamais énorme, dans chaque situation, mais elle est là. Est-ce une raison pour choisir une moto ou l’autre ? Absolument pas. Le potentiel de performance de toutes ces machines est incroyablement élevé, roulez à 200 km/h est un jeu d’enfant, même si c’est interdit, y compris sur les petites routes.
Non seulement les motos excellent en ligne droite, mais elles peuvent aussi tenir leur rang dans les sections sinueuses. Le poids élevé des machines est bien filtré par les suspensions électroniques qui maintiennent les motos bien stables y compris au freinage. La Ducati est la plus éfficace. Elle a une direction neutre, la meilleure réponse à l’accélération et l’un des meilleurs sélecteurs de vitesse du marché.
De son côté, la KTM est l’aventurière la plus sportive de ce trio. Elle est aussi la plus légère du lot, bien qu’en apparence elle paraisse la plus grosse. C’est sur l’Autrichienne que vous ressentez le mieux ce qui se passe sous vos pieds, tant au niveau du moteur que des pneus qui cherchent à accrocher au bitume. La Super Adventure est la moto au pilotage le plus pure.
Et la Triumph ? Elle oscille non seulement entre la KTM et la Ducati en termes de nombre de cylindres, mais aussi en termes d’expérience de conduite (sportive). Le grand avantage – ici aussi – est le pneu arrière étroit qui permet une direction rapide sans la rendre instable. En conséquence, la Tiger 1200 est impressionnante et est impossible à suivre, surtout dans les virages techniques. A vive allure, les suspensions, même sur le réglage le plus dur, ont tendance à pomper un peu.
Compte tenu de leurs équipements et de leur potentiel de conduite très similaires, on peut s’attendre à ce que les prix soient également proches les uns des autres. La KTM 1290 Super Adventure S est la moins chère des trois. Elle coûte 21 099 euros. La Triumph Tiger 1200 GT Pro suit de près avec un prix de 21 395 euros. Mais la moto la plus chère de ce trio est de loin la Ducati Multistrada V4 S, qui coûte 24 490 euros. C’est en effet 3.000 euros ( !) de plus que la Triumph et la KTM. La différence de prix ne justifie pas le fait qu’elles soient meilleures ou moins bonnes l’une par rapport à l’autre. À notre avis, elle est donc beaucoup trop importante. Une différence de 1 000 ou 2 000 euros peut encore se justifier, mais une différence de 3 000 euros est d’un autre ordre. De plus, il est frappant de constater que la Triumph, avec sa transmission par arbre plus chère, reste l’une des deux motos la moins chère. A comparé au prix de base, certes, d’une BMW R 1250 GS affichée à 19.380 euros. Il y a de quoi se poser des questions !
Alors quelle moto choisirions-nous à la place d’une BMW GS ? Les trois motos que nous avons testées posent un énorme problème. La Ducati Multistrada V4 S, la KTM 1290 Super Adventure S et la Triumph Tiger 1200 GT Pro sont pour beaucoup des motos de rêve. Les motos ultimes de voyage, capables de tout affronter, confortables et dotées d’une puissance plus que suffisante pour faire monter l’adrénaline. La Ducati est la meilleure, la plus rapide et surtout la plus raffinée des trois. Mais elle est aussi et de loin la plus chère. La KTM est la machine la plus sportive, la plus légère et la plus intense. Mais avec son look particulier, elle n’est pas la préférée de tous. La Triumph est la plus confortable, la plus douce et la seule moto de ce test dotée d’une transmission par arbre. Mais elle manque un peu de sportivité. Et voilà. Au moins, vous ne pouvez pas vous tromper dans votre choix. Si l’argent n’est pas un problème, optez pour la Multistrada. Si vous roulez principalement sur autoroute, choisissez la Tiger. Et dans tous les autres cas, ce sera la Super Adventure. Tant que ce n’est pas une BMW GS, n’est-ce pas patron ?
Photos: Bert Claes
+ douceur, quickshifter, fait tout ce qu’il faut
– prix, guidon large, tableau de bord chargé
+ direction précise, réglage du moteur, présentation du tableau de bord
– prix, apparence trop prononcée ?
+ confort, cardan, facilité de gestion
– réponse à l’accélération, suspensions trop souples
MOTEUR
Type: V4 à refroidissement liquide
Cylindrée: 1.158cc
Alésage x course: 83 x 53,5 mm
Taux de compression: 14,0:1
Embrayage: multidisque en bain d’huile à glissement
Boîte de vitesse: à 6 rapports
Transmission finale: par chaîne
PRESTATIONS
Puissance maximum: 170 ch à 10.500 tr/min
Couple maximum: 125 Nm à 8.750 tr/min
ELECTRONIQUE
Moteur: modes de conduite, régulateur de vitesse adaptatif
Conduite : contrôle de la traction, contrôle du wheeling, quickshifter, contrôle de maintien en côte, ABS en virage.
PARTIE-CYCLE
Cadre: monocoque en aluminium
Suspension avant: fourche inversée de 50mm
Réglages: entièrement électronique
Suspension arrière: monoshock
Réglages: entièrement électronique
Débattement av/ar: 170/180 mm
Frein avant: deux disques de 330mm avec étriers à 4 pistons
Frein arrière: un disque de 265mm avec étrier à 2 pistons
Pneumatique av/ar: 120/70-R19, 170/60-R17
DIMENSIONS
Poids TPF: 243 kg
Réservoir: 22 l
Empattement: 1.567 mm
Hauteur de selle: 840-860 mm
Angle de chasse: 24,5°
Chasse: 102,5 mm
PRIX
à partir de 24.490 €
MOTEUR
Type: V-twin à refroidissement liquide
Cylindrée: 1.301cc
Alésage x course: 108 x 71 mm
Taux de compression: 13,1:1
Embrayage: multidisque en bain d’huile à glissement
Boîte de vitesse: à 6 rapports
Transmission finale: par chaîne
PRESTATIONS
Puissance maximum: 160 ch à 9.000 tr/min
Couple maximum: 138 Nm à 6.500 tr/min
ELECTRONIQUE
Moteur: modes de conduite, régulateur de vitesse adaptatif
Conduite: contrôle de la trajectoire, contrôle du wheeling, quickshifter, contrôle du maintien en côte (opt.), ABS-Bosch
PARTIE-CYCLE
Cadre: cadre tubulaire en chrome-molybdène
Suspension avant: fourche inversée de 48mm
Réglages: entièrement électronique
Suspension arrière: monoshock
Réglages: entièrement électronique
Débattement av/ar: 200/200 mm
Frein avant: deux disques de 320mm, étriers à quatre pistons
Frein arrière: un disque de 267mm, étrier deux pistons
Pneumatique av/ar: 120/70-R19, 170/60-R17
DIMENSIONS
Poids TPF: 220 kg
Réservoir: 23 l
Empattement: 1.580 mm
Hauteur de selle: 849-869 mm
Angle de chasse: 24,7°
Chasse: n.c.
PRIX
à partir de 21.099 €
MOTEUR
Type: trois-cylindres à refroidissement liquide
Cylindrée: 1.160cc
Alésage x course: 90 x 60,7 mm
Taux de compression: 13,2:1
Embrayage: multidisque en bain d’huile à glissement
Boîte de vitesse: à 6 rapports
Transmission finale: par arbre et cardan
PRESTATIONS
Puissance maximum: 150 ch à 9.000 tr/min
Couple maximum: 130 Nm à 7.000 tr/min
ELECTRONIQUE
Moteur: modes de conduite, régulateur de vitesse
Conduite: contrôle de la trajectoire, contrôle du wheeling, quickshifter, contrôle du maintien en côte, ABS-Bosch
PARTIE-CYCLE
Cadre: tubulaire en acier
Suspension avant: fourche inversée de 49mm
Réglages: entièrement électronique
Suspension arrière: monoshock
Réglages: entièrement électronique
Débattement av/ar: 200/200 mm
Frein avant: deux disques de 320mm, étriers à 4 pistons
Frein arrière: un disque de 282mm, étrier à 2 pistons
Pneumatiques av/ar: 120/70-R19, 150/70-R18
DIMENSIONS
Poids TPF: 240 kg
Réservoir: 20 l
Empattement: 1.560 mm
Hauteur de selle: 850-870 mm
Angle de chasse: 24,0°
Chasse: 120 mm
PRIX
à partir de 21.395 €